Newsletter n°12 | S'entraîner jusqu'à l'échec pour l'hypertrophie.
FBI : Fausse Bonne Idée (quoique, ça dépend...)
S’entraîner avec pour objectif d’augmenter la masse musculaire est devenu commun et les questions qui tournent autour de la meilleure manière de procéder pullulent. S’entraîner jusqu’à l’échec ou non est l’une d’entre-elles, notamment inspirée du trop connu no pain no gain.
Alors faut-il aller jusqu’au bout des répétitions à chaque série pour obtenir des gains dignes du Panthéon ? C’est ce que nous allons voir grâce à une revue systématique avec méta-analyse de Refalo et al., (2023) publiée dans Sports Medicine.
Données générales de l’article :
👉 Les auteurs ont inclus 15 articles dans cette revue, mais toutes les études n’utilisaient pas les mêmes définitions de “l’échec”.
👉 Les différentes définitions de l’échec ont été classées par thèmes :
A. Cinq études (170 participant·e·s) ont considéré que l’échec était l’incapacité d’un individu à réaliser la phase concentrique en amplitude complète ou sans respect des consignes initialement données.
B. Quatre études (114 participant·e·s) ont considéré l’échec différemment du groupe A. sans qu’il y ait de définition claire de ce que cela signifiait.
C. Six études (193 participant·e·s) ont quantifié la proximité à l’échec par la perte de vitesse gestuelle au cours des séries sans inclusion de séries jusqu’à l’échec tel que définit en A.
👉 Concernant les thèmes A. et B. :
Cinq études ont rendu le volume d’entraînement identique entre les conditions, trois ne le faisaient pas et une a fait les deux (identique et non-identique).
Cinq études ont employé des intensités supérieures à 50% de 1RM, deux des intensités inférieures ou égales à 50%RM et une a fait les deux (> et < à 50%RM).
Sept études concernaient des individus non-entraînés et deux des individus entraînés.
👉 Concernant le thème C. :
La proximité à l’échec a été rendue distincte par un seuil fixé à 25% de perte de vitesse. Lorsque la perte de vitesse était supérieure à 25%, la proximité à l’échec a été considérée comme importante. Lorsque cette perte était ~20-25%, la proximité à l’échec a été considérée comme modérée.
Toutes les études (k=6) ont impliqué des intensités supérieures à 50%RM.
Toutes les études (k=6) concernaient des individus considérés comme entraînés.
👉 La qualité des études, évaluée par l’échelle TESTEX (Smart et al., 2015), a été considérée comme étant de qualité modérée (score médian 10/15 ; range : 7-12). Une inspection visuelle de l’influence des risques de biais sur l’estimation des résultats a été réalisée et aucun effet n’a été relevé.
Résultats généraux concernant les thèmes A. et B. :
👉 Sans considération de la définition de l’échec donnée (i.e. A. + B.), l’avantage des répétitions jusqu’à l’échec est trivial en comparaison de l’absence d’échec : ES= 0.19 (IC95% 0.00 à 0.37), p= 0.045 sans hétérogénéité apparente (Q= 6.65, p= 0.988, I²= 0%).
👉 Une analyse de sous-groupes révèle une absence d’influence du volume d’entraînement ou de l’intensité employée sur les résultats. Néanmoins, à volume d’entraînement identique, la borne inférieure des intervalles de confiance suggère qu’une taille d’échantillon plus importante pourrait moduler les résultats en faveur des séries jusqu’à l’échec.
Résultats généraux concernant le thème C. :
👉 Une perte de vitesse importante (>25% ; forte proximité à l’échec) semble induire des gains de masse musculaire identiques à une perte de vitesse modérée (20-25% ; proximité à l’échec modérée) : ES= 0.08 (IC95% -0.16 à 0.32), p= 0.529 sans hétérogénéité apparente (Q= 4.08, p= 0.944, I²= 0%).
👉 Quelle que soit la proximité à l’échec (faible <20% de perte de vitesse, modérée 20-25% ou importante >25%), les gains semblent sensiblement identiques entre les conditions sans qu’une analyse statistique en méta-régression ne soit effectuée.
Discussion des résultats :
👉 Le problème majeur de ce sujet est l’absence de consensus concernant une définition de l’échec. Les chercheur/-ses devraient trouver un terrain d’entente avant de poursuivre les investigations.
👉 Une précédente méta-analyse (Grgic et al., 2022) trouvait des résultats comparables : ES= 0.22 (IC95% -0.11 à 0.55), p= 0.152 par l’inclusion de 7 études.
👉 Une autre méta-analyse (Vieira et al., 2021) trouvait des résultats différents en faveur des entraînements à l’échec : ES= 0.75 (IC95% 0.22 à 1.28), p= 0.005 avec variabilité de l’estimation expliquée par l’hétérogénéité modérée (I²= 63.8%) par l’inclusion de 4 études.
👉 S’il existe un lien entre les adaptations hypertrophiques à l’entraînement et la proximité à l’échec, alors il apparaît comme non-linéaire.
Commentaires personnels :
👉 J’ai jugé cette revue systématique à l’échelle AMSTAR 2 (Shea et al., 2017) comme étant modérée, suggérant que la revue contient quelques biais non-critiques et qu’elle pourrait être représentative de la littérature sur le sujet.
👉 Aucune analyse selon le statut de l’entraînement n’a été réalisée (i.e. individus entraînés versus novices). Trop peu d’articles impliquent des individus entraînés, cela n’aurait pas été pertinent. Lorsqu’une telle comparaison est faite, quelle que soit la définition donnée à l’échec, les résultats suggèrent des gains supérieurs en faveur des entraînements jusqu’à l’échec chez les individus entraînés. Néanmoins, les résultats sont triviaux : ES= 0.15 (IC95% 0.03 à 0.26), p= 0.039 (Grgic et al., 2022).
👉 La fatigue neuromusculaire induite par un entraînement à l’échec est supérieure, quel que soit les paramètres mesurés (subjectif comme objectif) (Vieira et al., 2022).
👉 Un “juste milieu” devrait être trouvé entre l’optimisation des gains par la proximité à l’échec et la fatigue neuromusculaire induite par nos entraînements, comme accepter une diminution de vitesse gestuelle modérée (20-25%) par exemple.
Recommandations pratiques :
👉 La question peut ne pas être binaire et l’utilisation de l’échec dans nos entraînements est possible mais devrait être basée sur les conditions suivantes :
la sécurité du mouvement est prioritaire ;
préférer les exercices simples, peu complexes (i.e. mono-articulaires) ;
préférer l’emploi des machines (plus sécuritaires) ;
l’échec devrait/pourrait concerner uniquement la dernière série de l’exercice ;
préférer aller jusqu’à l’échec lors de l’emploi de faibles intensités (<60%RM) ;
préférer l’échec lorsqu’on est déjà considéré comme entraîné(e) (e.g. >x1.5pdc squat complet, >2 ans d’expérience) ;
conserver 1 à 3 répétitions de réserve (RPE 7 à 9) apparaît être une bonne manière de quantifier son effort (Zourdos et al., 2016).
J’espère que cette newsletter t’a plu.
Prends soin de toi, à bientôt !
Intéressant. Avant de voir tes derniers points, je voulais te mentionner que personnellement, même en accumulation, je conservais un % qui me permettait d’avoir quelques reps en réserve et que j’allais à l’échec sur la dernière série. C’est un dérivé des premières séances de la méthode 5/3/1 de Jim Wendler que j’avais bien aimé.